dimanche 1 mai 2022

DURUFLE (SUITE OP. 5)

Bon, désormais, je ne parle plus de moi au piano, comme je l'ai déjà fait au sujet de BachBrahms, et Liszt, mais bel et bien de Maurice Duruflé, qui est hélas bien trop peu connu au XXIème siècle. Ce très fameux organiste du siècle dernier (1902-1986) composa du reste fort peu d'œuvres, une petite quinzaine, dont l'une des plus marquantes restera toujours cette Suite Op. 5, écrite à l'âge de trente ans, et qui se divise en trois parties : Prélude, Sicilienne et Toccata.

Commençons tout d'abord avec le fameux Prélude, au début fort bien commenté par Daniel Roth, titulaire de l'orgue grandiose de Saint Sulpice, édifié à Paris par  Clicquot et Cavaillé-Coll au XVIIIème et XIXème siècle. Je vous laisse découvrir cette pièce magistrale, très bien filmée par Pierre-François Dub-Attenti :

Il est certain que cette œuvre, basé sur un étonnant dialogue en mi bémol mineur, ne frôle que rarement le bonheur et la paix intérieure... Ce que je crois pourtant que l'on peut découvrir vers la fin du morceau, avant que celui-ci ne rebascule vers le pessimisme initial - que vous pourrez bien sûr mieux découvrir par vous-même en suivant la partition :
Passons ensuite à la seconde partie, bien plus calme et apaisante, la Sicilienne. Ce type de pièce, relativement peu utilisé, se trouve pratiquement toujours de forme iambique, en 6/8 et de forme ABA, ce que Maurice Duruflé utilise sans le moindre problème, ayant recours comme autrefois "à une tonalité mineur, et une douce mélodie lyrique un peu triste". Si je ne me trompe pas, elle est interprétée cette fois par Jean Langlais :
Comme auparavant, si vous savez lire la musique, vous préférerez bien évidemment cette version :
Et maintenant, j'en passe enfin à la pièce la plus fantastique de cette suite, la fameuse Toccata - qui est une forme très rarement utilisée hors du XVIIIème siècle, où Johann Sebastian Bach lui a donné toute sa grandeur dans la célèbre Toccata et Fugue en Ré mineur. Comme chacun le sait, le terme de Toccata vient de l'italien "toccare" ("toucher"), et ceci démontre tout à la fois la puissance d'écriture et l'art de jouer de ses doigts, qui est partagé par le compositeur et l'interprète, formant souvent un unique personnage.
Meilleure preuve par Christophe Mantoux à l'orgue de Saint-Joseph à Montréal, où l'on voit tout à la fois ses mains et ses pieds travailler sans relâche la complexité de cette œuvre, tout à la fois très angoissante par ses basses, mais qui connait vers la fin sa libération de plus en plus intense :
Là, bien sûr, la partition est de nouveau bienvenue, étant donné la complexité et la puissance de cette Toccata : 
Je présume que vous avez trouvé tout cela très bien, non ? Je vous conseille en ce cas d'écouter les trois pièces dans leur suite logique, Prélude, Sicilienne et Toccata (25'). C'est peut-être un tout petit peu moins bien filmé que le tout premier extrait, mais ceci est néanmoins très bien joué par Vincent Dubois dans la cathédrale de Reims, sur le cinquième plus grand orgue de France :
Remarquable, n'est-ce pas ? Quoique... Si vous souhaitez trouver mieux, il n'y a plus qu'une unique chose à faire : écouter Maurice Duruflé lui-même jouer cette œuvre, certes dans une version plus photographique que vraiment filmée, mais très rare en soi et digne d'admiration :
Que pourrais-je vous dire d'autre ? Et bien, tout d'abord, ce compositeur a été marié en 1953 jusqu'à la fin de sa vie avec Marie-Madeleine Chevalier, une autre organiste très prestigieuse. Ensuite, il est vrai qu'il a écrit fort peu d'œuvres, mais la plupart d'une grande qualité et d'un mysticisme évident, telles que Prélude, Adagio et Choral varié Op. 4, Prélude et Fugue sur le nom d'Alain Op. 7 - toutes deux pour orgue -, ou son célèbre Requiem Op. 9, composé pour soli, chœurs et orchestre à l'âge de 47 ans.
Pourquoi aimè-je autant cet auteur mystérieux ? Je ne sais pas bien, en fait... Peut-être parce que l'on a des points communs, comme de se marier avec une élève brillante qui pratique la même discipline que nous, ou alors, de se trouver à partir d'un certain âge incapable de jouer de son instrument fétiche, suite à un accident ? Peu importe, finalement... L'essentiel reste que vous aimiez également ce style de musique, et aussi - accessoirement - que vous aurez envie de laisser un commentaire à ce sujet !

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Très belle découverte ! Je ne connaissais pas cette pièce.
Des petits côté hispaniques dans l'esthétique de la toccata...?
Bises
Cha

Vincent a dit…

Et bien, au moins, je suis ravi de t'avoir fait découvrir quelque chose... Je ne crois pas qu'il y ait d'influence hispanique dans la construction de la Toccata, mais peut-être que je ne vois pas bien, en fin de compte ? En tous cas, tu as écouté le meilleur, et je t'adresse toutes mes félicitations pour ça !

Anonyme a dit…

Côté un peu hispanisant : mode phrygien, écriture sur pédale en note répétée (fa# à la basse), écriture des accents avec les accords...
Vite fait...:)
Bises
Cha

Anonyme a dit…

Y aurait presque un petit truc du flamenco....

Vincent a dit…

Je ne suis pas très sensible à cela, désolé... Certes, le mode phrygien est là; le fa# à la basse aussi, mais cela suffit-il ? Personnellement, je le rattache plutôt au Troisième Choral de César Franck (plus proche de lui en ce qui concerne les dates), mais peut-être que je me trompe, je ne sais pas... En tous cas, c'est une partition très riche, au moins sommes-nous d'accord là-dessus !

Chah a dit…

Oui, la toccata est très belle en effet, incroyable !
Je connaissais Duruflé, j'ai chanté dans une chorale ses quatre motets:
https://en.wikipedia.org/wiki/Quatre_Motets_sur_des_th%C3%A8mes_gr%C3%A9goriens

J'avais passé un très bon moment. Tu en trouveras de nombreuses interprétations sur Youtube.

Je ne connaissais rien de sa biographie, c'est toujours intéressant.

Vincent a dit…

Oui, elle reste pour moi l'une des œuvres de lui que je préfère, c'est très clair : Par contre, je ne connais pas du tout ses motets... Mais je vais essayer de chercher ça, demain, sur Youtube, merci du conseil !